2011-04-11

(Première publication: ancien blog bjhworld.lesdemocrates.fr)

1794, LE CHANT DU DEPART: QUAND LES DEPUTES ETAIENT LES DIEUX DE LA NATION

2009/04/21

par Bernard Henry

Il y a peut-être des gens qui en rêvent, mais moi, franchement, dans la France d’aujourd’hui, je n’aimerais pas du tout être un député. A l’automne 2007, lorsque le Gouvernement s’est attaqué aux régimes spéciaux de retraite, il a demandé aux parlementaires de «faire un effort» comme tout le monde, et, allez savoir pourquoi, cela a fait réagir les élus de l’Assemblée Nationale, cette institution qui représente historiquement la démocratie en France. Aujourd’hui, c’est l’absentéisme des députés de ce Palais-Bourbon où ils ont pourtant été élus pour siéger qui est montré du doigt. Est-ce là du contrôle démocratique ou voyons-nous resurgir quelques démons poujadistes mal exorcisés, ceux de l’antiparlementarisme qui avait été le carburant de l’extrême droite immédiatement avant et après l’Occupation, celui-là même qui mouvait les ennemis de la République le 13 mai 1958, lorsqu’ils ont failli reconquérir ce que la fin du Régime de Vichy leur avait pris? En France, le problème, c’est que le premier n’est jamais tout à fait exempt des seconds, ce que la tradition des chansonniers, toujours prêts à critiquer ces députés qui s’engueulent tout le temps et ne savent jamais ce qu’ils veulent, n’est pas la dernière à prouver.

Alors, pour cette affaire d’absentéisme, il y a bien sûr du pour et du contre. D’aucuns affirmeront que les députés ont besoin d’être proches de leurs électeurs, donc présents dans leur circonscription, et que, s’ils y manquaient, cela leur serait reproché. Vrai. D’autres ajouteront que, souvent, un député occupe une fonction supplémentaire, au niveau local, départemental ou régional, et que, là encore, l’on lui en voudrait de délaisser ce poste de proximité au profit des seuls arcanes du pouvoir à Paris. Vrai là aussi. Enfin, nous dira-t-on, que doit faire un député qui n’a pas totalement renoncé à son activité professionnelle? Etre présent à l’Assemblée dès qu’il s’impose au risque de se mettre en difficulté sur cet autre pan de sa vie? Cela tombe sous le sens. On n’est pas en Angleterre ou aux Etats-Unis où un officiel élu doit se consacrer entièrement à sa fonction.

Mais l’on pourrait aussi dire que, justement, dans ces pays anglo-saxons aux démocraties solides, on applique le principe du non-cumul des mandats, «une personne, un poste», point final; avec ce système ici en France, les députés, comme tous les autres élus, n’auraient qu’un seul siège auquel se consacrer et ne seraient donc plus retenus ailleurs. Dans le même temps, cela pourrait ouvrir la porte au danger inverse, celui de voir un député qui ne pourrait plus être que cela suivre l’exemple de certains de ses homologues britanniques qui, une fois élus, ne s’intéressent plus qu’à ce qui se passe à Londres où se prennent les décisions importantes, et qui ne retournent dans leurs circonscriptions que pour se faire réélire; leurs homologues américains, eux, sont élus pour seulement deux ans, ce qui les oblige à être, selon une formule locale, «en campagne permanente», et c’est peut-être là une chose saine pour la démocratie au bout du compte. Ou alors, le député privé de tout autre poste pourrait ne vouloir se faire élire que pour accéder le plus tôt possible à un poste supérieur – sénateur ou ministre – une fois qu’il se sera fait remarquer. L’on aurait alors l’excès inverse, celui d’un «surplus de présence» à l’Assemblée, qui transformerait le moindre débat en pugilat.

Quoi qu’il en soit, de deux maux il faut choisir le moindre, alors peut-être les sanctions proposées contre les députés absentéistes par Guy Carcassonne, membre du comité de réflexion sur la réforme des institutions, sanctions consistant en des «retenues sur salaire», sont-elles une solution intermédiaire acceptable. A condition, bien sûr, de prévoir un mécanisme d’appel qui permettrait aux parlementaires se sentant indûment punis de s’expliquer et de récupérer tout ou partie de leur dû le cas échéant.

Et pourtant … Un authentique républicain, a fortiori bon démocrate, ne peut que se sentir blessé, voire directement menacé, lorsque, sous prétexte de demander des comptes aux élus du peuple comme il est naturel dans toute démocratie, l’on en vient par trop à traiter les parlementaires en ennemis héréditaires. Que l’on en aime ou non l’idée, c’est la création d’un parlement démocratiquement élu et incarnant le peuple qui a permis à la France de devenir une république, rompant avec une tradition européenne séculaire de monarchie et créant un précédent qui allait bouleverser l’histoire du monde.

Sous la monarchie absolue voulue par Louis XIV, le roi est de droit divin et a tous les pouvoirs, l’inventeur lui-même l’ayant résumé en cette formule: «L’Etat, c’est moi». Tout se fait par le Roi, rien ne peut exister en dehors de ce principe. A l’été 1788, la situation catastrophique de la France contraint Louis XVI, monarque intelligent mais dépourvu de fermeté, à convoquer ce qui se nomme alors les Etats Généraux, assemblée élue de manière ponctuelle et où sont représentés les trois ordres en lesquels se divise alors le pays – le clergé, la noblesse et le Tiers Etat, ce dernier regroupant les roturiers, y compris les bourgeois. Elus en janvier 1789 par les seuls hommes âgés de plus de vingt-cinq ans et payant l’impôt, les députés sont convoqués pour le 1er mai. Le 5 mai à Versailles, l’Hôtel des Menus Plaisirs accueille enfin la première session des Etats Généraux, dans une salle baptisée pour la circonstance Salle des Trois Ordres, ceux-ci y étant représentés par 1139 élus.

Très vite, la noblesse et le clergé tentent de tirer la couverture à eux, leur but étant bien sûr de sauver le statu quo qui garantit leurs privilèges. Refusant de céder, le Tiers Etat fait front et affirme représenter à lui seul la Nation, rejoint en cela par des membres des deux autres ordres, dont le Marquis de La Fayette, héros de la guerre d’indépendance américaine. Les ordres éclatent, et c’est une seule assemblée qui se forme sous le nom, proposé par l’Abbé Siéyès, d’Assemblée Nationale, mettant fin de fait au pouvoir royal absolu. Furieux, Louis XVI fait fermer la Salle des Trois Ordres, obligeant les élus à se replier sur une salle de «jeu de paume», dont l’équivalent actuel serait un court de tennis en intérieur. C’est là que naît vraiment le Parlement français tel que nous le connaissons aujourd’hui; le 20 juin, les députés jurent de ne pas se séparer avant d’avoir rédigé pour le pays, fait sans précédent à l’époque, une Constitution. Se dotant ainsi du nom d’Assemblée Nationale Constituante, les députés décident qu’ils siégeront jusqu’au 3 septembre 1791 et exerceront jusque là le pouvoir législatif. Le 23 juin, Louis XVI ordonne la dispersion de l’Assemblée, mais lorsque l’ordre est intimé aux élus de quitter leur enceinte, Mirabeau déclare, et la phrase à elle seule résume tout l’esprit du parlementarisme en France: «Nous sommes ici par la volonté du peuple et nous n’en sortirons que par la force des baïonnettes!» Sans violence, la monarchie absolue s’est transformée en monarchie constitutionnelle, la France étant désormais dirigée non plus par le seul monarque mais par des députés élus par les Français eux-mêmes.

Le 14 juillet, le peuple prend d’assaut le symbole de l’arbitraire royal – la prison de La Bastille à Paris, marquant ainsi la fin définitive de la monarchie absolue. Le 4 août, l’Assemblée Nationale vote l’abolition des privilèges, signant ainsi l’arrêt de mort des ordres, et enfin, le 26 août, elle dote la France d’un texte qui revêtira bientôt une portée universelle, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, qui a encore aujourd’hui valeur constitutionnelle, à savoir qu’elle est revêtue de la même autorité que la Constitution, descendante de celle dont les députés des ex-Etats Généraux avaient juré dans leur salle de sport qu’ils la donneraient à la France coûte que coûte.

Et le 3 septembre 1791, la première Constitution est en effet promulguée, qui fait de Louis XVI le «roi des Français», et non plus le roi de France, car il ne l’est plus de droit divin mais en représentation du peuple. Désormais, l’incarnation de l’Etat est la Nation, la maison commune des Français. Rallié dans un premier temps à cette constitution qui limite ses pouvoirs de manière considérable, Louis XVI va pourtant tenter en juin 1791 de gagner l’étranger, cependant que les monarchies européennes assaillent la Révolution et partir ne peut qu’être considéré comme une trahison, si le Roi et son équipage se font prendre, risque que Louis XVI ne pèse pas suffisamment. Et c’est en effet ce qui se produit, à Varennes-en-Argonne, le 21 juin, où la famille royale est arrêtée et ramenée à Paris en application d’un décret de l’Assemblée. Dès lors, les députés comprennent qu’il ne leur est plus possible de faire confiance au Roi.

Le 1er octobre 1791, l’Assemblée Nationale Législative a succédé, en vertu de la Constitution, à l’Assemblée Nationale Constituante, et le 21 septembre 1792, c’est la Convention nationale qui lui succède à son tour. Aussitôt, celle-ci proclame que «la royauté est abolie en France» et que «l’An I de la République française» commencera le lendemain. Suspendu le 10 août 1792 par l’Assemblée Nationale Législative, Louis XVI se voit donc définitivement déposé le mois suivant, privé de tous ses titres et désormais connu sous le seul nom de «Louis Capet», en référence à Hugues Capet qui avait engendré la dynastie des Capétiens. C’est ainsi que «Louis Capet» est traduit devant la Convention nationale, qui s’est elle-même instituée en tribunal, pour «conspiration contre la liberté publique et la sûreté générale de l’Etat». Déclaré coupable le 15 janvier 1793 par 707 voix sur 718 votants, il est condamné à mort trois jours plus tard et exécuté le 21 janvier Place de la Révolution, anciennement Place Louis XV et aujourd’hui Place de la Concorde.

Affirmation voulue et résolue du pouvoir populaire, le Parlement s’était fait régicide. C’était un Parlement de guerre, celui d’un peuple qui devait à présent verser son sang devant les armées étrangères pour défendre la liberté qu’il avait saisie des mains du souverain, et, dans ces circonstances, être un député était rien moins qu’un acte de guerre en soi.

A l’époque, il n’y a pas de médias. Oui, des journaux, mais une infime partie de la population sait lire. Ce que l’on veut transmettre au plus grand nombre, on doit le mettre en chanson, art populaire mêlant la musique et la poésie toutes deux inaccessibles au peuple, et la Révolution l’a bien compris. «Ah, ça ira, ça ira», «Il pleut, il pleut, bergère» sur Marie-Antoinette dite «l’Autrichienne» et ses moutons, ça chante chez les sans-culottes. Et la guerre aussi, on la chante. On pense bien sûr au Chant des Volontaires de l’Armée du Rhin, volontaires marseillais qui vont donner son nom définitif à leur hymne entraînant, devenu le nôtre, la Marseillaise. Mais les guerriers de la Révolution vont aussi se doter d’un autre hymne, aujourd’hui relativement tombé en désuétude mais qui, pour toute une génération, a porté l’espoir de voir la Révolution survivre à ses assaillants et s’exporter ailleurs en Europe pour donner aux peuples soumis à des monarques absolus la même liberté qu’aux Français. Composé par Etienne Nicolas Méhul et écrit par Marie-Joseph Chénier, cet hymne porte le nom sans équivoque d’Hymne à la Liberté, mais il passera à la postérité sous un autre titre – le Chant du Départ.

En dépit de ce nom, que Robespierre préférait à l’original, et malgré ce qui semblerait de prime abord une évidence, ce n’est pas un chant que les Guerriers – et non les soldats, terme réservé aux membres des armées royales qui, contre une «solde», faisaient la seule volonté du souverain, cependant qu’un Guerrier est un citoyen, conscrit, et c’est une première dans l’histoire, pour aller défendre la République – reprennent en chœur en marchant sur les routes de France vers les batailles qui les attendent. Comme la Marseillaise à l’origine, Le Chant du Départ est un tableau musical, que l’on chante lors de rassemblements solennels qui regroupent toutes les composantes de la population, venues chanter unanimement leur soutien aux Guerriers, eux-mêmes représentés. Respectant cette règle, le Chant du Départ fait intervenir six catégories de population en dehors des Guerriers proprement dits.

Ce que l’on en connaît le mieux, notamment ceux qui se souviennent de l’éphémère et bien opportuniste télé-réalité Le Pensionnat de Chavagnes sur M6, où les «élèves» ramenés cinquante ans en arrière devaient l’apprendre par cœur, ce sont le premier couplet et le refrain:

La victoire en chantant

Nous ouvre la barrière,

La Liberté guide nos pas.

Et du Nord au Midi,

La trompette guerrière

A sonné l’heure des combats.

Tremblez, ennemis de la France,

Rois ivres de sang et d’orgueil!

Le Peuple souverain s’avance;

Tyrans descendez au cercueil.

La République nous appelle,

Sachons vaincre ou sachons périr,

Un Français doit vivre pour Elle,

Pour Elle un Français doit mourir!

Le refrain, où la République est déifiée du fait de la majuscule par laquelle commence le pronom «Elle» qui la désigne, est chanté par les Guerriers, ouvrant ainsi la marche à toutes les autres catégories de la société venues soutenir leurs combattants. Quant au premier couplet, il est interprété par nul autre qu’un député de l’Assemblée.

Puis c’est une femme qui vient chanter, chanter que les mères de famille ne pleureront pas pour leurs fils, car ceux-ci doivent gagner la bataille y compris si cela doit amener leurs mères à renoncer à l’être, au profit de celle à qui ils doivent la vie mais aussi, s’il le faut, la mort – la France:

[…]

Nous vous avons donné la vie,

Guerriers, elle n’est plus à vous;

Tous vos jours sont à la patrie:

Elle est votre mère avant nous.

Deux hommes âgés, dits «vieillards», répondent qu’ils désirent attendre que leurs fils aient vaincu les armées ennemies pour s’éteindre:

[…]

Rapportant sous la chaumière

Des blessures et des vertus,

Venez fermer notre paupière

Quand les tyrans ne seront plus.

Même les enfants sont amenés à chanter. Toute la Nation, toute, doit être derrière les Guerriers, même ceux qui ne devraient normalement pas entendre parler de la guerre mais qui, dans l’optique d’une guerre longue et pour assurer la survie de la Révolution, doivent dès leur plus jeune âge se préparer à la défendre un jour à leur tour. Ils ont pour cela deux exemples à leur disposition, celui de Joseph Barra, âgé de douze ans, tué par des royalistes vendéens pour avoir crié «Vive la République!», et celui de Joseph Agricol Viala, abattu d’une balle à treize ans par un soldat ennemi et dont les derniers mots furent «Je meurs, mais c’est pour la Liberté!». Et ils chantent, en hommage à l’un et l’autre:

De Barra, de Viala le sort nous fait envie,

Ils sont morts, mais ils ont vaincu.

Le lâche accablé d’ans n’a point connu la vie,

Qui meurt pour le peuple a vécu. […]

Après les fils des Guerriers, c’est le tour de leurs épouses, qui se réjouissent de les voir partir au combat et les espèrent de retour victorieux. Mais, dans le pire des cas, poursuivent-elles, elles sont aussi prêtes à devenir les glorieuses veuves des martyrs:

[…]

Si le temple de mémoire

S’ouvrait à vos mânes vainqueurs,

Nos voix chanterons votre gloire,

Nos flancs porteront vos vengeurs.

Les dernières à s’adresser aux Guerriers sont les jeunes filles, les adolescentes non mariées. Pour faire d’elles leurs épouses, déclarent-elles, les Guerriers devront s’être montrés braves sur le champ de bataille, tout comme les femmes déjà mariées demandent que leurs époux le soient:

[…]

Si, pour s’unir un jour à notre destinée,

Les citoyens forment des vœux,

Qu’ils reviennent dans nos murailles

Beaux de gloire et de liberté,

Et que leur sang, dans les batailles,

Ait coulé pour l’égalité.

Enfin, trois Guerriers s’avancent. En réponse à la Nation qui leur demande de vaincre ou de mourir, rien de moins, ils répondent par un serment solennel de victoire:

Sur le fer devant Dieu, nous jurons à nos pères,

À nos épouses, à nos sœurs,

À nos représentants, à nos fils, à nos mères,

D’anéantir les oppresseurs;

En tous lieux, dans la nuit profonde,

Plongeant l’infâme royauté,

Les Français donneront au monde

Et la paix et la liberté.

Puis c’est l’ultime refrain, qui clôt le tableau musical. Les Guerriers, ainsi bénis par la République, sont prêts à partir au combat, en revenir n’étant guère, on l’aura compris, ce qui les soucie le plus.

Dans ce dernier couplet, l’on ne peut qu’être doublement frappé. Tout d’abord, «devant Dieu», dans un régime révolutionnaire qui honnissait l’Eglise et avait proclamé le culte de l’Etre suprême, on se demande ce que ça fait là. C’est oublier que nous sommes en 1794, et que, l’année précédente, l’agitation royaliste liée à l’obligation faite aux prêtres de jurer allégeance à la République est passée par là. On doit unir la Nation, et si l’Eglise a été abattue en tant qu’ordre de l’Ancien Régime, on ne peut pas passer à côté des croyants sauf à risquer de leur faire regretter Louis XVI. Ensuite, incontournable, «A nos représentants», mis sur le même plan que les pères, les mères, les sœurs, les épouses, les fils, en un mot, tout ce qu’un homme partant au combat peut avoir de plus sacré. Quelqu’un de notre époque ne peut qu’avoir un certain mal à le comprendre. Or, c’est bien pour le Parlement que l’on va mourir, peut-être, ce Parlement qui représente le pouvoir du peuple et l’intégrité de la Nation face aux monarchies étrangères déterminées à l’abattre. En un mot comme en cent, et aussi inconcevable que cela puisse paraître de nos jours, lorsque le Chant du Départ servait selon son nom, les députés étaient les dieux de la Nation, des dieux vivants pour lesquels on se serait sacrifié tout comme pour ceux qui portent notre sang ou celles qui partagent notre lit.

Mourir pour son député … Aujourd’hui, s’il y avait encore des conscrits et que l’on tentait de leur enseigner cette notion, ça les rendrait «LOL grave», les d’jeuns! Après tout, les députés, c’est tous des pourris, qui se font élire et se foutent complètement de nous après, qui magouillent à droite comme à gauche! Alors, déjà, aller se faire ch… pendant dix mois dans une caserne, c’est pas marrant, mais en plus, apprendre qu’on fait ça pour les députés, faut quand même pas déconner! Il y a de la réforme bidon ou de l’objection de conscience dans l’air, là!

Et pourtant, et pourtant … C’est bien pour cette cause, qui peut paraître si absurde aujourd’hui, que les soldats de Valmy et autres célèbres batailles révolutionnaires ont combattu, la cause du gouvernement «du peuple, par le peuple et pour le peuple», comme le dit l’Article 2 de la Constitution actuelle. A l’époque, un roi, c’était forcément un tyran, les monarchies constitutionnelles d’aujourd’hui étant loin d’exister et même la Grande-Bretagne, pourtant pays précurseur en la matière, ayant pléthore de lois démocratiques sur le papier mais ne pouvant guère pavoiser s’agissant des bénéfices que le peuple en retire dans les faits.

Il en sera ainsi jusqu’à ce que l’on peut appeler la fin effective de la Révolution, du moins en ce qui concerne la notion contemporaine de Parlement. Le 9 novembre 1799, soit le 18 Brumaire An VIII, débute un coup d’Etat qui va mettre fin en quarante-huit heures à l’activité de la représentation nationale, laquelle consiste à l’époque en un Conseil des Cinq-Cents, descendant de l’Assemblée Nationale née dans la salle du jeu de paume à Versailles, et en un Conseil des Anciens, créé en 1795 et qui est l’ancêtre de notre Sénat. Au parlementarisme va succéder un régime autoritaire, le Consulat, dirigé par trois hommes parmi lesquels un seul comptera toutefois – le Premier Consul, à savoir, le Général Napoléon Bonaparte. En 1804, celui-ci se fera couronner Empereur des Français, le premier du genre, sous le nom de Napoléon Ier.

Pendant dix ans, à la tête de ses armées, Napoléon Ier, qui institue le Chant du Départ comme hymne impérial de préférence à la Marseillaise, prendra au pied de la lettre les deux derniers vers du dernier couplet, «Les Français donneront au monde / Et la paix et la liberté», et entreprendra d’exporter à l’étranger la Révolution à laquelle il avait lui-même mis fin en France, ce avec l’insuccès que l’on lui sait. Vaincu à Waterloo en 1815, Napoléon Ier abdique et mourra six ans plus tard en exil dans l’Ile de Sainte-Hélène, laissant une France exsangue retourner vers une royauté qui, à défaut de rétablir l’absolutisme, n’a que faire d’un Parlement. Il en sera ainsi pendant trente-trois ans, pendant lesquels se succéderont les rois Louis XVIII, Charles X et Louis-Philippe Ier, seul le premier n’ayant pas été renversé par un soulèvement populaire.

En 1848, année de la proclamation de la Deuxième République et de l’élection d’une «Assemblée nationale constituante», bien sûr en référence directe à celle de 1789, la France élit son premier Président de la République en la personne de Louis-Napoléon Bonaparte, neveu de Napoléon Ier, qui va hélas suivre on ne peut plus fidèlement les traces de son oncle. D’abord en fomentant en 1851 un coup d’Etat qui lui conférera les pleins pouvoirs, puis en se faisant couronner en 1852 Empereur des Français sous le nom de Napoléon III, et enfin, en voyant son Empire s’effondrer après la défaite militaire de Sedan en 1870. Dans la foulée, une France minée par une guerre perdue contre l’Empire d’Allemagne naissant revient enfin à la République, Troisième du nom, et parlementaire comme la tradition l’exige, république avec laquelle la France finira le dix-neuvième siècle.

Et tout au long du vingtième siècle, le premier de l’histoire où la France ne connaîtra aucune forme de monarchie, le Parlement va s’inscrire au cœur de la vie politique, que ce soit ou non de manière flatteuse. Le 6 février 1934, les ligues d’extrême droite déterminées à renverser «la gueuse», du surnom péjoratif que les royalistes adeptes de Charles Maurras donnent à la République, auraient pris, sans l’intervention des forces de l’ordre, cette Chambre des Députés qui symbolisait pour eux la faiblesse de la démocratie, le pouvoir des conspirateurs juifs et maçonniques, ainsi que, voire surtout, la libre parole donnée aux félons communistes. Six ans et demi plus tard, avec la défaite face aux armées hitlériennes et l’avènement de Vichy, ils seront satisfaits. Mais à la veille de son entrée en France pour guider ses troupes vers Paris et la Libération du territoire national, le Général de Gaulle aura lui aussi édicté, depuis Alger, le rôle qu’il entend donner à un Parlement républicain restauré. Le 21 avril, une ordonnance du Gouvernement Provisoire accorde le droit de vote aux femmes. Après le fascisme, l’égalité première qui manquait en termes électoraux, celle des sexes, venait du Parlement, celui d’une Quatrième République à venir qui ressemblerait toutefois, hélas, par trop à la Troisième.

Même instabilité gouvernementale, certains cabinets ne durant pas plus de quarante-huit heures. Une situation de guerre froide dans laquelle une France ralliée aux Etats-Unis, mais où le Parti communiste rêvant à l’URSS était l’opposition quasi officielle, se voyait fragilisée face aux deux grands. Et surtout, une extrême droite qui avait fini par refaire surface après l’épuration, se reconstituant en des mouvements divers et variés mais qui avaient trouvé une sainte cause commune en la guerre d’Algérie, menace à l’intégrité territoriale de la France s’il en était, et qui appelait du fait un véritable gouvernement fort qui materait ces foutus bicots et leurs copains les cocos. Et le 13 mai 1958, Alger connaît «son» 6 février 1934, avec une manifestation dont découle la création d’un «Comité de salut public» présidé par le Général Jacques Massu.

Dans le même temps, une partie de l’armée déclenche, depuis l’Algérie là encore, une «Opération Résurrection», dont le but n’est autre que de prendre Paris par la force et installer au pouvoir nul autre que le Général de Gaulle, renvoyé dans ses foyers par les Français en 1946 et en lequel les Pieds-Noirs voient l’homme providentiel qui leur garantira une éternelle Algérie française. Le 29, René Coty, Président de la République, charge le Général de Gaulle de former un gouvernement, lequel présidera à l’adoption d’une nouvelle Constitution. Adoptée le 28 septembre 1958, celle-ci rompt avec la tradition purement parlementaire de la France en instaurant un exécutif fort, tout en accordant dans le même temps au Parlement plus encore de pouvoirs qu’il n’en réclamait. Dès lors, le système est fixé, et le Parlement contribuera en tout et pour tout à «faire» ou «défaire» les gouvernements.

Mais il va aussi sceller, dans un premier temps, le sort des Algériens. «La France de Dunkerque à Tamarasset», proclamait le Général de Gaulle pour qui, au départ, l’égalité totale de droits entre Pieds-Noirs et «Musulmans», terme fallacieux désignant les indigènes arabes et kabyles de l’Algérie, était la seule solution. Le seul hic, en dehors d’une guerre qui avait fait de la France un paria au niveau mondial, c’était que, comme le Général l’avait compris au bout du compte, si l’Algérie restait française, la moitié des sièges de l’Assemblée Nationale lui reviendraient, au vu de son importante population. Cela voulait dire, immanquablement, l’élection comme députés de membres de ces mouvements d’extrême droite qui détestaient le chef de l’Etat, ces mêmes mouvements qui inspirèrent plus tard l’attentat du Petit-Clamart contre le Général de Gaulle en août 1962. Alors, en mars de ladite année, les Accords d’Evian consacrent finalement l’indépendance de l’Algérie, et le Parlement français restera finalement tel qu’il est. Il «fera» ou «défera» les gouvernements, mais cette extrême droite qui le hait tant, de même qu’elle hait le Général de Gaulle pour sa trahison en Algérie, n’en a pas fini avec lui.

En 1967 et 1968, contesté par l’opinion publique, le Général de Gaulle est confirmé par deux fois aux urnes après la victoire de ses partisans aux législatives, seul le référendum de 1969 le poussant au départ. En 1986, François Mitterrand, adversaire juré du Général et pourfendeur du système de pouvoir personnel qu’avait selon lui instauré celui-ci, mais qui s’y installe en 1981 et ne le modifie que très peu car il semble s’y trouver bien tout compte fait, instaure la proportionnelle pour des législatives qu’il sait perdues d’avance pour son camp; si une majorité de droite RPR-UDF s’installe en effet, le Parti Socialiste conserve le plus grand groupe de l’Assemblée, laquelle voit apparaître aussi, pour la première fois depuis 1958, un groupe d’extrême droite, celui du Front national, mené par Jean-Marie Le Pen qui remporte deux ans plus tard 14.5% des voix à l’élection présidentielle après deux ans de «cohabitation» entre François Mitterrand et Jacques Chirac. En 1993, les législatives de mars aboutissent à une assemblée quasi monolithique, où l’alliance RPR-UDF dispose de plus des quatre-cinquièmes des sièges et ouvre la voie à une nouvelle et âpre cohabitation, cette fois entre un François Mitterrand rongé par le cancer et un Edouard Balladur arrogant qui, bien que le niant publiquement, ne s’intéresse qu’à la présidentielle de 1995. Il y sera bien candidat, mais éliminé dès le premier tour.

En 1997, Jacques Chirac, élu deux ans plus tôt lors de sa troisième tentative mais qui a réussi à se mettre à dos la France entière en ne tenant pas ses promesses, tente un coup de poker – sur le conseil de son Secrétaire Général de l’Elysée, Dominique de Villepin – en dissolvant une Assemblée qui lui est pourtant acquise. Il échoue, la gauche emmenée par Lionel Jospin revenant au pouvoir, et ce sont cinq ans de cohabitation qui, pour la troisième fois, vont voir progresser une extrême droite devenue pour beaucoup de Français le seul moyen de contester le système, jusqu’à se mettre en 2002 en position de reconquérir le pouvoir, cette fois par les urnes, pour la première fois depuis 1944. Défaite cuisante pour Jean-Marie Le Pen au bout du compte, et, avec l’entrée en vigueur du quinquennat, les législatives coïncident désormais avec les présidentielles, rendant impossible toute cohabitation, et le Parlement joue le rôle le plus classique qui lui ait jamais été dévolu dans l’histoire. Non sans que la «dichotomie française» entre parlementarisme et extrême droite ne soit apparue dans toute son ampleur pendant les trois septennats marqués par la cohabitation. Au temps pour un système hybride au demeurant adopté par la Russie après la fin de l’URSS en 1992, mais qui n’a jusqu’ici pas permis au pays de rompre avec sa tradition autoritaire héritée des Tsars, Moscou semblant même prendre à présent le chemin du retour à celle-ci.

C’est loin, 1789. Pas moins de deux cent vingt ans ont passé depuis, ce qui est plus que suffisant pour noyer une révolution dans l’oubli. Aujourd’hui, les députés ne sont plus depuis longtemps les dieux de la nation. Dans cette Cinquième République, deux Présidents se sont distingués plus que les autres et font l’objet d’un culte longtemps après leur mort – le Général de Gaulle et François Mitterrand, irréductibles adversaires unis dans la postérité. Dans les années Mitterrand, des scandales à répétition impliquant des parlementaires ont flétri l’aura déjà bien évaporée de la représentation nationale, auparavant mise à mal par un gaullisme nostalgique du père fondateur et exaltant le règne bienveillant de l’homme providentiel par opposition au tumulte agaçant d’un Parlement dont les membres ne représentent, pour citer le Général lui-même, que «le régime déplorable des partis». En fait de dieux, les parlementaires n’ont pas manqué de devenir des «anges déchus» à la Milton, si ce n’est des tenanciers de l’enfer, sinon sur terre, du moins en France.

De nos jours, sous le sixième Président de la Cinquième République, le Parlement n’est pas vraiment mis à l’honneur non plus, dans le contexte d’une présidence placée sous le seul signe de son titulaire. Il ne faut rien exagérer, on n’est pas dans l’application de l’Article 16 de la Constitution qui confie les pleins pouvoir au Président de la République, et selon lequel, si «le Parlement se réunit de plein droit», il n’a plus de rôle que consultatif – situation que Jean-Marie Le Pen appelait de ses vœux dans les années 1980 sous le vocable de «dictature à la romaine». Dans la France d’aujourd’hui, l’ordre constitutionnel est respecté, tout fonctionne normalement. Mais l’esprit de la démocratie tel qu’hérité de la Révolution est-il toujours présent?

Il ne l’est que quand le Parlement, outre les pouvoirs qui doivent être les siens au sein de la République, reçoit des citoyens quelque chose qu’aucun texte de loi ne peut lui procurer – le respect. Depuis la fin de la monarchie absolue, depuis la fin du «L’Etat, c’est moi», l’Etat, c’est nous tous, c’est le citoyen pris isolément ainsi qu’en synergie avec les autres. Le Parlement est ce que nous le faisons, quand nous votons pour élire celles et ceux qui y siégeront, alors, si quelque chose fonctionne mal, accabler les parlementaires, c’est nous accabler nous-mêmes. Nous n’avons plus de nos jours à jurer «à nos représentants» de mourir pour eux comme pour nos familles si besoin est. Mais si l’on pouvait déjà, sans aller jusqu’à les déifier, leur témoigner notre respect pour l’institution qu’ils composent, leur dire que, si nous sommes exigeants avec eux, c’est parce que notre démocratie est entre leurs mains, et non pas parce que nous les soupçonnons de n’avoir pour but dès le départ que d’en abuser, l’atmosphère démocratique en France serait sans doute bien plus respirable. Que l’on rappelle à l’ordre ceux qui négligent leur devoir, cela ne leur fera pas de mal – mais que l’on se souvienne dans le même temps que, sans députés ou avec un Parlement sans pouvoir, la France ne peut connaître que le règne d’un seul homme, et dans ce domaine, elle a déjà bien assez donné comme ça.

2010-06-29

Les Citoyens du Monde et les Droits de l’Homme: La révolte silencieuse

Les Citoyens du Monde
et les Droits de l’Homme:

La révolte silencieuse

Par Bernard Henry


(TRADUIT DE L’ANGLAIS
Titre original: «World Citizens and Human Rights: The Silent Rebellion»)


«PROCLAMEZ QUE LA LIBERTE REGNE SUR LE MONDE ENTIER ET QU’ELLE APPARTIENT A TOUS SES HABITANTS». Cette phrase du
Lévitique (25:10), composante de la Torah chez les Juifs et du Nouveau Testament – la première moitié de la Bible – chez les Chrétiens, résume plutôt bien, quelle que soit la religion dont l’on est adepte, ce que les Droits de l’Homme sont censés vouloir dire pour quelqu’un qui se considère Citoyen(ne) du Monde.


Jusqu’à récemment, lorsque vous vous proclamiez « citoyen du monde », votre gouvernement national le prenait comme une déclaration de guerre. Même dans une démocratie, affirmer haut et fort que votre appartenance à la race humaine, par-delà les frontières nationales créées par l’homme, a plus de valeur pour vous que votre citoyenneté d’un seul Etat-nation et que, en tant qu’être humain, vous possédez en outre certains droits inaliénables, vous faisait apparaître comme en révolte contre le système en lui-même, là où vous ne faisiez que revendiquer votre humanité et les droits qui vont avec.

Trois tendances majeures de revendications conjointes en matière de Droits de l’Homme et de citoyenneté mondiale peuvent être dégagées dans l’histoire, en tout cas celle antérieure à la première tentative de création d’une organisation politique mondiale – la Société des Nations, créée en 1919 et dont la vie n’a duré en tout et pour tout que les vingt ans qui séparent la fin de la Première Guerre Mondiale du début de la Seconde.

Dans l’Antiquité, vers -1450, les Hébreux ont fui leur condition d’esclaves du Pharaon d’Egypte pour trouver une Terre Promise à laquelle leur Dieu unique, par opposition à la religion polythéiste des Egyptiens, les mènerait par l’entremise de son prophète désigné, Moïse. C’est là ce qui jeta les bases d’une foi juive en le refus du pouvoir terrestre arbitraire et en la conduite fraternelle de l’homme envers son semblable. Après qu’un millénaire se fut écoulé, la Grèce était devenue un phare de la civilisation dans le Bassin méditerranéen, sous le règne de Périclès à Athènes et avec des philosophes de premier ordre comme Protagoras, qui déclara l’homme « mesure de toutes choses », et Socrate, qui affirma qu’il était « un citoyen non d’Athènes, ni de la Grèce, mais du monde entier ».

Pendant et après la Renaissance, un certain nombre d’ecclésiastiques, d’universitaires et de juristes en vinrent à remettre en question la « cité chrétienne » qui avait été le modèle de société de l’Europe à travers le Moyen Age, mettant en avant l’idée que désormais, en lieu et place, le monde avait besoin d’être dirigé par le droit. Parmi eux figuraient Alberico Gentili, professeur de droit à Oxford, ainsi que le théologien Francisco de Vitoria, le juriste Richard Zouche et, au-dessus de tous ceux-ci, le Néerlandais Hugo de Groot, plus connu sous le nom de Grotius. Diplomate et universitaire, Grotius publia en 1625 De la loi de la Guerre et de la Paix, traité qui fait de lui à bien des égards le père du droit international contemporain. La marche vers l’Etat de droit pour remplacer la cité chrétienne atteignit son paroxysme en 1648, lorsque la Paix de Westphalie mit fin à la Guerre de Trente Ans, conflit dont les racines étaient principalement de nature religieuse, ce par une série de traités qui instaurèrent le principe du pacta sunt servanda (en latin, « les traités ont vocation à être respectés »), la souveraineté de toutes les nations et, pour la première fois dans l’histoire, le droit à la liberté de religion. Plus tard dans le courant du dix-septième siècle, Grotius allait inspirer plusieurs plans de « paix universelle », tels que ceux proposés par le prêtre et professeur de mathématiques français Emeric Crucé et le philosophe quaker anglais William Penn, qui fut par ailleurs le fondateur de l’actuel Etat américain de Pennsylvanie.

A la fin du dix-huitième siècle, la Guerre d’Indépendance américaine fut menée, selon les camps, pour défendre ou anéantir une Constitution adoptée démocratiquement et comprenant de manière formelle une Déclaration des Droits, ce qui fut aussi le cas de la Révolution française, inspirée par les écrits des penseurs des Lumières tels Voltaire, Rousseau et bien d’autres en France ou, de l’autre côté du Rhin, l’Allemand Immanuel Kant qui, dans son ouvrage de 1795 intitulé Essai philosophique sur la Paix perpétuelle, appelait à la création d’une « société des nations » pour diriger le monde par le droit, introduisant un concept totalement nouveau à l’époque en philosophie européenne – le weltburger, ou littéralement en allemand, « citoyen du monde ». Le ton était donné pour les aspirations révolutionnaires à venir, et le dix-neuvième siècle s’avérerait justement être, en toute bonne logique, le moment rêvé pour les révolutions, que ce soit en Europe, en Afrique, en Amérique du Sud ou en Asie.

En 1815, toutefois, ce fut le très diplomatique Congrès de Vienne, tenu juste après la fin des guerres napoléoniennes, qui jeta les bases du premier ordre mondial consensuel de toute l’histoire. Exigeant l’abolition définitive de l’esclavage dans chaque pays, Vienne ouvrit la voie à un siècle de changements rapides dans la communication, les transports, le déplacement et la production de biens – mais sans que l’on disposât du cadre politique apte à accompagner de tels changements. En conséquence, l’ordre mondial de Vienne dura un petit siècle puis s’effondra dans la guerre. La Première Guerre Mondiale, terrible et sanglante, qui, pour n’avoir duré que quatre années, détruisit néanmoins ce qu’il pouvait rester à un monde nourri de souvenirs glorieux du passé des certitudes qu’il avait héritées des jours de sa création par les puissances qui avaient vaincu l’Empire français. Comme le Français Paul Valéry l’a dit après la fin de la Première Guerre Mondiale, « Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles ».

Après que Woodrow Wilson, Président des Etats-Unis, eut créé la Société des Nations en 1919, désireux de résoudre les litiges par la négociation et la diplomatie en lieu et place de la guerre, ce fut la montée du fascisme à travers l’Europe, en partie à cause de Wilson lui-même et de son « principe des nationalités » selon lequel chaque ethnie européenne avait droit à un Etat qui lui soit propre ou à être rattachée à sa terre d’origine, principe qui servit surtout les aspirations nationalistes en Italie et en Allemagne. Vingt ans seulement après que le Traité de Versailles avait mis fin à « la guerre qui met fin à toutes les guerres », une fois encore, c’était la guerre. La Seconde Guerre Mondiale, marquée par les atrocités massives commises par l’Allemagne nazie, par son allié japonais impérial dans le Pacifique et par leurs collaborateurs en Europe et en Asie. Au sommet de ces atrocités, l’on trouve bien sûr l’Holocauste juif en Europe, lequel a coûté la vie à plus de six millions d’innocents. Ayant pris conscience que seule une forte alliance de toutes les nations contre le fascisme permettrait à la démocratie de triompher au bout du compte, Franklin D. Roosevelt, Président des Etats-Unis, regroupa celles-ci en un front commun auquel il donna le nom de « Nations Unies ». En juin 1945, la Conférence de San Francisco engendra une nouvelle organisation mondiale destinée à remplacer la Société des Nations, une organisation mondiale qui prendrait tout naturellement le nom que souhaitait pour elle son concepteur, le désormais défunt Roosevelt – l’Organisation des Nations Unies (ONU).

En ratifiant la Charte des Nations Unies, les Etats membres fondateurs s’engageaient à œuvrer « en développant et en encourageant le respect des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinctions de race, de sexe, de langue ou de religion », là où la Société des Nations, obsédée par la seule résolution des conflits, avait pratiquement laissé les Droits de l’Homme à la porte en rédigeant son Pacte. Cette fois, en revanche, il était clair que, sans une reconnaissance politique formelle non seulement des Etats mais aussi des individus, aucune paix durable n’était envisageable, d’autant que le Président des Etats-Unis, Harry Truman, était déterminé à montrer à son homologue soviétique, Joseph Staline, que jamais il ne renoncerait à son profit au leadership mondial qui était le sien, et que, dès lors, une Troisième Guerre Mondiale, plus encore, une guerre nucléaire, pouvait éclater à tout moment.

C’est à cette époque que Robert Soulage, dit Sarrazac, créa le Front humain des Citoyens du Monde en France, bien que ce soit un autre homme qui, en 1948, allait attirer l’attention du monde en brandissant l’idée de Citoyenneté Mondiale – Garry Davis, ancien pilote de bombardier dans l’U. S. Air Force, lequel s’était rendu à Paris pour renoncer à sa nationalité américaine et devenir un « Citoyen du Monde », ayant demandé sans succès « l’asile politique mondial » à l’ONU, dont le Palais de Chaillot abritait alors l’Assemblée générale, mais ayant réussi à placer la Citoyenneté Mondiale sur l’échiquier politique de l’après-guerre, ne serait-ce que pour un court instant.

Durant cette session de l’Assemblée générale, l’individu obtint bel et bien sa reconnaissance politique, comme Davis et d’autres l’avaient voulu. Le 10 décembre, l’Assemblée générale adopta la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, texte fondateur de l’ensemble du droit international des Droits de l’Homme d’aujourd’hui. Dès cet instant, Davis allait baser tout son discours et toute son action politique sur ce texte consacré par l’ONU – tout en rejetant paradoxalement l’ONU dans son entier, la considérant « fictive » et du fait illégitime. Globalement, une rhétorique ambiguë et une tendance à vouloir par trop personnifier l’ensemble de son combat, au lieu d’en faire un mouvement de masse comme le souhaitaient pour leur part les disciples de Sarrazac au Registre international des Citoyens du Monde, ont par la suite enfermé Davis dans un rôle au mieux symbolique dans la politique mondiale.

En ce qui concerne le Registre international des Citoyens du Monde, créé par Davis et Sarrazac en 1949, bien qu’il ait survécu au départ de Davis sous la direction rassurante d’un couple de membres de la première heure, Guy et Renée Marchand, son audience demeura confidentielle. Souhaitant avant tout et surtout promouvoir la création d’institutions mondiales basées sur les citoyens, lesquelles auraient pour finalité de remplacer l’ONU, mais paraissant incapable de s’adapter au changement politique mondial de l’après-guerre froide, le Registre des Citoyens du Monde, comme il fut rebaptisé en 2000, arbora après la disparition des époux Marchand, respectivement en 1993 et 2002, un nouveau visage qui le rapprochait du catholicisme social. Son discours se reporta sur le tiers-mondisme classique et son fonctionnement interne se fit plus conservateur, grossièrement calqué sur celui des administrations françaises. Dans la rhétorique moderne du Registre, les Droits de l’Homme ont autant – ou aussi peu, c’est selon – d’importance qu’un quelconque autre sujet, qu’il s’agisse de l’environnement, de la pauvreté, des armes nucléaires ou autre. Le résultat en est que rien de réellement positif n’est fait pour les Droits de l’Homme au sein de la vieille école relookée.

Une seule organisation dont le nom comprend l’expression « Citoyens du Monde » peut revendiquer une véritable pertinence en matière de Droits de l’Homme tels qu’ils sont consacrés par les nombreux instruments internationaux adoptés dans la foulée de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme. Créée en 1975, l’Association of World Citizens (Association des Citoyens du Monde; AWC), basée à San Francisco, est « engagée corps et âme » en faveur de l’Organisation mondiale, selon les mots mêmes de son Président, Douglas Mattern. Se voulant clairement une organisation non-gouvernementale (ONG), et non un gouvernement mondial ou une autorité mondiale alternative, l’AWC jouit du Statut Consultatif auprès de l’ONU; de ce fait, elle est représentée depuis le départ à l’Office des Nations Unies à Genève, lequel abrite, entre autres, la Commission des Droits de l’Homme de l’ONU, aujourd’hui devenue le Conseil des Droits de l’Homme. Dirigée par le Professeur René Wadlow, anciennement de l’Institut du Développement de l’Université de Genève, la délégation de l’AWC au Palais des Nations a souvent joué un rôle crucial dans la résolution de litiges liés aux Droits de l’Homme au sein de l’institution mondiale.

En 1983, alors que la rhétorique enflammée du temps de la Guerre Froide était à son apogée, les « ultras » étant au pouvoir aux Etats-Unis comme en Union soviétique, la diplomatie informelle telle que pratiquée par les ONG apparaissait plus utopique et irréaliste que jamais. Sur le front diplomatique officiel, c’était l’année où la Commission des Droits de l’Homme de l’ONU avait créé un Groupe de Travail spécial sur les Populations indigènes au sein de la Sous-Commission sur la Prévention de la Discrimination et la Protection des Minorités. A cette époque, une « population indigène », ce n’était guère plus aux yeux des diplomates qui avaient créé le Groupe de Travail que les Indiens des Amériques du Nord et du Sud qui étaient présents avant l’arrivée des Européens, ou encore les Aborigènes d’Australie et de Nouvelle-Zélande.

L’équipe de l’AWC avait alors entrepris un important travail en vue de la protection des tribus des collines du Chittagong Hill Tracts au Bangladesh, dont certaines avaient fui vers le nord-est de l’Inde pour échapper aux violences locales. Lorsque le Professeur Wadlow a soulevé la question pour la première fois au sein du Groupe de Travail, les représentants du Bangladesh comme de l’Inde y ont émis une objection, arguant que les tribus des collines n’étaient pas réellement « indigènes », position qui avait également reçu le soutien des représentants de la Thaïlande. En fait, toutes les tribus des collines proviennent au départ du Tibet et du sud de la Chine, s’étant disséminées à travers les trois Etats d’Indochine – Thaïlande, Birmanie et Bangladesh – et dans le nord de l’Inde tout au long du dernier millénaire. Ainsi s’accorde-t-on à dire que les tribus des collines ne sont effectivement pas « indigènes » au sens où elles sont arrivées par vagues successives de migration.

Toutefois, comme le fit remarquer en 1984 l’équipe de l’AWC, le seul instrument de l’ONU relatif à la condition des peuples indigènes était la Convention N° 107 de l’Organisation internationale du Travail, laquelle avait été signée tant par le Bangladesh que par l’Inde, et dans cette Convention, il est bel et bien question de « peuple indigène et tribal ». Si les tribus du Chittagong Hill Tracts ne sont pas indigènes, toutes les tribus des collines ont en revanche conservé une structure de type tribal, une forme d’utilisation collective de la terre et une pratique courante de l’agriculture sur brûlis. En conséquence, les diplomates indiens et bangladais durent bien accepter d’inclure les tribus des collines dans les discussions du Groupe de Travail. Par après, le Groupe de Travail devint un outil essentiel au traitement de la question du Chittagong Hill Tracts, ses travaux ayant abouti plus tard à un cessez-le-feu et au retour des réfugiés d’Inde et du Bangladesh. Ce n’était pas là une mince réussite pour une ONG prise sous les feux croisés diplomatiques de la Guerre Froide, comme le fut l’ONU elle-même pendant quarante-cinq ans. Et encore, il ne s’agit là que d’un seul exemple.

Même si les Droits de l’Homme ont toujours été une préoccupation de premier plan pour l’équipe de l’AWC à Genève, l’effort s’est encore accru en septembre 2005, lorsqu’un Bureau de Presse a été créé au sein du Bureau de Genève, dirigé par un Officier de Presse nouvellement nommé et dont il se trouve que, contrairement à ce que son titre laisse entendre, il était actif en tant que Défenseur des Droits de l’Homme de niveau international depuis onze ans. Il s’agissait de moi.

Depuis 2005, nous avons approché les gouvernements de quelques 150 Etats Membres de l’ONU, soulevant nos préoccupations quant à des violations des Droits de l’Homme ou appelant ces gouvernements à coopérer avec nous sur des questions urgentes revêtant une importance d’envergure mondiale :

– Des classiques des Droits de l’Homme : Liberté d’opinion et d’expression ; liberté de conscience et de religion ; liberté de réunion et d’association non-violentes ; discriminations ethnique, religieuse et autres ; torture et mauvais traitements ; peine de mort.

– L’héritage de la fin de la Guerre Froide : Crimes de guerre et crimes contre l’humanité ; réfugiés et législation portant droit d’asile ; enfants-soldats ; défense des Défenseurs des Droits de l’Homme ; ratification universelle du Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale.

– Mise en lumière du côté sombre de la mondialisation : Non-respect du droit à l’éducation, à un emploi décent (par opposition notamment à l’esclavage moderne), à l’alimentation, à la santé et à un logement décent ; et les droits des femmes, préoccupation de premier plan pour qui se soucie du « monde entier » et de « tous ses habitants » d’aujourd’hui.

Comme nous l’avons démontré, les Droits de l’Homme sont toujours mieux défendus lorsqu’ils font partie d’un projet de révolte, ce bien que les soulèvements armés du passé aient fait place avec les années au militantisme non-violent des ONG, non dans une moindre mesure grâce au travail de grandes organisations telles qu’Amnesty International, Human Rights Watch et la Fédération internationale des Droits de l’Homme, pour ne citer qu’elles. Penser que les Etats-nations s’accorderont sur, et par conséquent obéiront, à des normes de Droits de l’Homme par le seul biais de la diplomatie classique consiste au mieux à prendre ses désirs pour des réalités, et il est douteux qu’il en soit jamais autrement sur ce point.

Se tenant au carrefour de la défense des Droits de l’Homme au sens traditionnel, de la diplomatie informelle et du militantisme politique des Citoyens du Monde, le Bureau de Représentation de l’AWC auprès de l’Office des Nations Unies à Genève se trouve à tout instant en position de franc-tireur de la révolte. « La lutte pour les Droits de l’Homme est un combat politique », déclare le Professeur Wadlow. C’en est bien un, et la politique en question est bel et bien celle de la révolte, comme cela a été le cas de tous temps. Autrement, pourquoi le Préambule de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme lui-même stipulerait-il qu’ « [Il] est essentiel que les Droits de l'Homme soient protégés par un régime de droit pour que l'homme ne soit pas contraint, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l'oppression » ?

En tout état de cause, la révolte est en marche, en suprême recours contre la tyrannie et l’oppression, une révolte qui porte le nom de défense des Droits de l’Homme. Dans notre cas, au Bureau de Représentation de l’AWC auprès de l’Office des Nations Unies à Genève, il s’agit d’une révolte silencieuse, utilisant les voies de la diplomatie et la langue de la politique pour promouvoir une seule cause – celle de l’humanité, la plus grande qui soit, là où nos interlocuteurs ne défendent en tout et pour tout qu’un seul pays à la fois. L’un des épisodes les plus célèbres des événements de 1948 qui ont donné naissance au mouvement Citoyen du Monde est l’interruption par Garry Davis, Robert Sarrazac et d’autres avec eux de l’Assemblée générale de l’ONU, afin d’y prononcer une courte allocution appelant à un gouvernement mondial – la « Déclaration d’Oran », ainsi nommée en l’honneur de son auteur, Albert Camus, le célèbre écrivain français natif de ce qui était alors l’Algérie française. Quelques instants avant que Davis ne commence à parler, une voix dans le public cria : « Et maintenant, la parole est au peuple du monde ! ». A travers l’AWC, le peuple du monde a la parole à l’ONU depuis trente-cinq ans, et la céder aux Etats-nations est une chose que nous ne sommes pas près de faire.


Bernard Henry est Officier de Presse du Bureau de Représentation auprès de l’ONU à Genève et Directeur Général de la Division espérantiste de l’Association of World Citizens.

2008-12-21

La police iranienne ferme les bureaux du prix Nobel de la paix Shirin Ebadi

Publié le 21/12/2008 à 14:28 - Modifié le 21/12/2008 à 15:18 AFP
La police iranienne ferme les bureaux du prix Nobel de la paix Shirin Ebadi

La police iranienne a fermé dimanche les bureaux du Cercle des défenseurs des droits de l'homme, dirigé par le prix Nobel de la paix 2003, Shirin Ebadi, ce qui marque un durcissement du pouvoir à l'égard des organisations de défense des droits de l'homme.
"Des policiers en uniforme et en civil sont actuellement dans nos locaux et font un état des lieux. Ils ont fermé nos bureaux", a annoncé dimanche après-midi à l'AFP la vice-présidente du groupe, Narghes Mohammadi.
"La fermeture de nos bureaux sans ordre judiciaire est un acte illégal et nous allons protester", a déclaré pour sa part à l'AFP Shirin Ebadi, qui se trouvait dans les locaux au moment de l'intervention policière.
"Il est évident que cet acte n'est pas un message positif pour les activistes des droits de l'Homme, mais nous allons faire notre devoir quelles que soient les circonstances", a-t-elle poursuivi.
Les policiers n'ont donné aucun motif pour la fermeture des bureaux du groupe.
Les policiers, qui avaient bouclé le quartier, ont demandé aux membres de l'association d'"évacuer les lieux sans résistance".
Mme Mohammadi a déploré n'avoir "d'autres choix que de quitter les lieux" et a assuré que "des hommes en civil avaient insulté des membres du groupe". Des dizaines de membres des forces de l'ordre se trouvaient devant les locaux, selon elle.
Cette intervention de la police a eu lieu alors que le Cercle devait organiser une cérémonie pour le 60ème anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'Homme.
Elle marque un net durcissement du pouvoir contre les militants des droits de l'Homme.
Le 10 décembre dernier, une militante iranienne des droits de l'Homme, Nasrine Sotoudeh, a été empêchée par les autorités de se rendre un Italie pour y recevoir le prix d'une ONG italienne.
Son passeport avait été confisqué.
Ces derniers mois, plusieurs militantes féministes ont également été condamnées à des peines de prison pour avoir réclamé l'égalité des droits entre hommes et femmes.
Le Cercle des défenseurs des droits de l'Homme a été fondé par un groupe d'avocats, dont Shirin Ebadi, lauréate du prix Nobel de la paix 2003. Ce groupe a dénoncé ces derniers mois l'aggravation de la situation des droits de l'Homme dans le pays.
Il a déploré la multiplication des peines capitales, notamment contre les mineurs ayant commis un crime avant l'âge de 18 ans.
Le Cercle a également critiqué début novembre le nouveau code pénal iranien qui ignore, selon ce groupe, les droits des femmes et se fonde sur une interprétation "incorrecte" de l'islam.
Depuis 2003, Mme Ebadi a reçu à plusieurs reprises des menaces de mort à cause de ses activités en faveur des droits de l'Homme.
En avril dernier, elle avait reçue de nouvelles menaces lui demandant de "tenir sa langue". Le président Mahmoud Ahmadinejad avait alors ordonné une protection policière pour Mme Ebadi et une enquête.
En 1974, celle-ci est devenue la première femme juge du pays, mais après la révolution islamique de 1979, le nouveau pouvoir a décidé de ne pas autoriser les femmes à diriger les tribunaux.
Mme Ebadi a alors poursuivi ses activités en faveur des droits de l'Homme, des droits des femmes et des enfants.
Elle a notamment défendu la famille de la photo-journaliste irano-canadienne Zahra Kazemi, tuée en prison en 2003 après avoir reçu un coup à la tête.